Bienvenue dans mon vrac.

Vous y trouverez des textes variés : Grandeur Nature, atelier d'écriture, poèmes ou autres : aventures et histoires.

En vous souhaitant de prendre autant de plaisir à les lire que j'en ai eu à les écrire.

Le contact

Le vieil homme fronça les sourcils en regardant celui qui s'éloignait avec tous ces sacs. Il prit la main de la jeune fille qui se trouvait devant lui, comme pour lui dire bonjour et s'en remit au Marcheur. Le lémure qu'elle avait sur l'épaule y mit sa patte aussi, ce qui fit bien rire la compagnie. Un grand bonheur envahit le vieil homme. Tout irait bien pour eux. Le Marcheur y veillerait. Le vieil homme sourit. La jeune fille aussi, grattouillant son lémure sous le menton.
 
« Bonjour à tous, je me nomme Rilan et je serai votre guide pour cette visite des ruines. Il y a une petite marche jusque là mais vous pourrez vous rafraîchir à l'auberge qui s'y trouve. Elle est ouverte tout le temps des célébrations. Et puis, vous êtes venus pour le Marcheur. Alors marchons. »

Il y avait une bonne heure de marche pour rejoindre les ruines mais au rythme d'une promenade, le vieil homme n'allant pas vite, chacun apprécia cette traversée sous les arbres.
Rilan confirma vite sa première opinion. Ils parlaient franchement, ne dissimulaient pas et croyaient vraiment que l'autre allait leur trouver des chambres. C'étaient de braves gens. Il leur aurait bien dit, pour l'autre, mais l'émotion du Marcheur avait été si forte qu'il préféra ne pas intervenir.

À l'auberge, Rilan fit le signe « en détresse » et le tenancier leur offrit à boire et à manger comme un comportement habituel. Ils le remercièrent si chaleureusement qu'il en rougit.
Le ventre plein, ils prirent un moment pour profiter du Marcheur, allongés dans l'herbe, regardant les nuages.
Rilan se remit debout. « Il est temps. Venez, plongeons nous dans les histoires du passé. » Tous le suivirent.

« Il y a de cela plus longtemps que le temps qu'il fallut aux plus grands des royaumes connus pour naître, vivre et mourir, existait un peuple qui vivait en ce lieu. Leur nom est oublié. Leur apparence est oubliée. Ce qu'ils ont pu dire ou faire s'est perdu dans le temps. Ni poèmes ni musiques ne sont parvenues jusqu'à nous. D'eux, il ne reste plus rien que les souvenirs attachés à ces quelques pierres. Des souvenirs de dragons. »
Tous frémirent. Des dragons ! Pas surprenant qu'ils n'aient pas survécus.

« Ces vieilles pierres sont tout ce qui reste d'eux, qui ont existé au temps des dragons. Elles seules ont encore des choses à nous raconter. Prenons le temps de les écouter. »

Ils avancèrent au travers des ruines.

« Nous marchons sur ce qui devait être l'un des axes principaux de cette cité. A chacun de ses carrefours, il y avait des piliers. Simples décorations ou poteaux indicateurs, je n'en suis pas certain mais c'est près de celui-ci qu'eut lieu la première attaque. » Rilan posa sa main sur ce qui restait d'un vieux pilier érodé, prit une grande inspiration et raconta.

« Le soleil était bas sur l'horizon. La nuit allait bientôt tomber. Ils étaient quatre à marcher sur cette voie, chacun avec son outil sur l'épaule, comme un groupe de soldats. Ils marchaient lentement car ils étaient épuisés. Ils avaient passé la journée à suer, au soleil. Le soleil couchant fut masqué. Sur l'instant, les quatre remercièrent le nuage pour cette fraîcheur précoce. Quand ils réalisèrent qu'il ne s'agissait pas d'un nuage qui venait d'obscurcir le ciel, il était déjà trop tard. Le monstre volant se cabra, accumulant l'énergie. Lorsqu'il fut plein de sa fureur destructrice, il se projeta en avant et cracha son jet de flammes. La brûlure qu'ils avaient subi tout le jour n'était rien comparé à celle qu'ils endurèrent alors. Au moins cette douleur ne dura qu'un instant, leur dernier. »

Rilan laissa le silence s'installer. Le premier souvenir causait toujours beaucoup d'émoi. Certains chuchotaient entre eux. Rilan leur demanda s'ils voulaient en savoir davantage. Parfois, les visiteurs préféraient écourter la visite à ce moment ; mais pas ce groupe. Ils étaient prêts à le suivre. Il les entraîna plus loin, jusqu'à un tas de pierres. Il en prit une dans sa main qu'il regarda un instant.

« Ce sont les dernières pierres de ce qui fut un muret de défense. Initialement prévu pour empêcher les ennemis de passer, le jeune guerrier qui se trouvait là, se servait du pan qui restait pour se protéger du souffle face au dragon, entre deux salves de flèche. Le dragon tournait autour du muret pour surprendre et consumer l'impudent qui lui avait résisté mais toujours le guerrier esquivait à temps et profitait de l'abri de son muret pour lui décocher un autre trait. De rage de se voir contré, le dragon n'avait plus de cesse que de l'anéantir, volant de plus en vite, soufflant encore et encore, griffant le muret à l'arracher. Mais toujours le guerrier évitait les flammes, blessant encore le dragon d'une de ses pointes acérées. Ils dansèrent ainsi fort longtemps ; Jusqu'à ce que le dragon comprenne. Le soldat faisait semblant d'esquiver depuis des heures, pour le tromper. C'était un objet qui contrait ses flammes, sûrement le muret lui-même, spécialement enchanté. Le dragon souffla une dernière fois sa rage et s'éloigna. Le guerrier avait gagné, mais pas juste un combat. Il avait gagné du temps, pour que d'autres puissent s'enfuir. Il allait maintenant devoir quitter l'abri et sa protection magique pour retenir encore le dragon. Il périrait probablement à la prochaine attaque, il le savait, mais c'était son devoir et il l'acceptait. Le guerrier s'éloigna du muret en direction du dragon pour son ultime combat. »
 Rilan reposa la pierre et ils marchèrent encore, en silence. Le guerrier rendait toujours silencieux et pensif.

« Voilà tout ce qui reste d'une arche qui surplombait la porte de la cour d'une maison d'un riche marchand. » Rilan le toucha et inspira.
« Le maître triait des étoffes lorsqu'il avait appris la nouvelle : un dragon cracheur de feu détruisait la ville. Il fallait fuir. Pour autant, il n'allait pas laisser toutes ses richesses au monstre. Le maître attrapa deux esclaves sur le point de se sauver et leur fit charger une charrette avec trois coffres d'objets de valeur avant de leur faire apporter du boire et du manger depuis les cuisines. Il revenaient, les bras chargés, lorsque le dragon surgit. Le maître aurait pu crier : Allez vous cacher dans les cuisines ! plutôt que de les ignorer et faire avancer sa charrette jusque sous l'arche. Il espérait ainsi détourner l'attention du dragon, le temps d'arriver à la porte, cette porte ou lorsqu'il avait appris la nouvelle, il avait fait poser une protection contre le feu. Il entendit le souffle et en eut froid dans le dos. Froid ? Il aurait dû avoir chaud. Le maître se retourna et vit la congère qui venait de tuer ses deux serviteurs. Ce n'était pas un dragon qui attaquait la ville mais des dragons et celui-ci crachait la glace. La porte n'avait pas de protection contre la glace. Le maître regretta amèrement de ne pas avoir fui sans rien emporter. »

Rilan avait toujours beaucoup de plaisir à raconter cette histoire. La réaction de l'auditoire était variée mais chacun en retirait un peu de bon sens et d'humanité. Sans ajouter de commentaires il les emporta de nouveau entre les pierres du passé. Il leur fit faire un détour pour éviter celles de ces pierres qui avaient été un orphelinat. Cette souffrance, il ne voulait ni la ressentir, ni la faire partager. Pour leur dernier souvenir, il les emmènerait plutôt aux restes du puits, un souvenir qu'il aimait bien.

Une fois sur place, comme toujours, il toucha l'une des pierres qui restaient de cet ancien puits et prit une inspiration car c'était en faisant cela qu'il recevait du Marcheur les images du lointain passé.

« Près de ce puits, il attendait, recroquevillé. Il scrutait les cieux. Pas de dragon visible ne voulait pas dire pas de dragon du tout. Au contraire. Si les dragons ne bougeaient plus, c'est qu'ils étaient en train d'observer. Bouger avant de savoir où ils étaient, c'était cela l'erreur. De ce qui avait été une belle cité, ne restaient plus que cadavres et décombres. Une nuit et une journée avaient suffi aux dragons pour tout ravager. De toute la matinée, il n'avait plus rien entendu. Il devait être le dernier. Il attendit jusqu'au soir pour bouger. Le soleil était au plus bas lorsqu'il se rua vers ce qui restait de la plus proche bâtisse. Les dragons se redressèrent aussitôt et d'un vol se posèrent chacun d'un côté du puits. Il se retourna et les salua. « Félicitations dragons. Vous avez brillamment détruit cette cité. C'est pour vous un succès. Mais qui donc aura droit au dernier habitant ? Nous ferez-vous l'honneur d'un duel à mort pour savoir qui me tuera ou préférez-vous qu'un témoin de vos œuvres en fasse un ouvrage de référence ? » Les dragons semblèrent apprécier le propos car au lieu de le tuer, ils reprirent l'air et emportèrent avec eux celui qui les avait défié par les mots. »


« Et l'enfant fut sauvé ! »dit la jeune fille au lémure.

« Et l'enfant fut sauvé. » confirma Rilan. « Il attendit la nuit entière comme son père lui avait ordonné et au matin lorsqu'il sortit du puits au fond duquel son père l'avait caché, les dragons étaient partis. » Comme toujours, il y eut des applaudissements.

Tandis qu'il les ramenait au port, Rilan restait pensif : avait-elle deviné ou avait-elle vu l'enfant ? Il ne le saurait jamais. Il refusa le pourboire qu'ils voulaient lui donner. Ils en auraient bien besoin dans quelques heures. La jeune fille au lémure lui offrit alors un nœud de cheveux en souvenir. Il l'accepta avec plaisir et ressentit de nouveau la présence du Marcheur. Oui, elle avait certainement vu l'enfant. Oui, tout irait bien pour eux, malgré les larmes à venir. Rilan les regarda s'éloigner, espérant que ses prochains groupes seraient aussi plaisants bien qu'il en douta fortement.

L'arrivée Le contact Le passage La chair  

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