Bienvenue dans mon vrac.

Vous y trouverez des textes variés : Grandeur Nature, atelier d'écriture, poèmes ou autres : aventures et histoires.

En vous souhaitant de prendre autant de plaisir à les lire que j'en ai eu à les écrire.

Le départ

Raniou était charpentier, au service de Raros, un seigneur de guerre qui avait fait le voyage pour une cérémonie concernant son fils, celui qui criait tout le temps. Lui, Raniou, avait été désigné, avec d'autres, pour installer, réparer et démonter les campements. À deux jours de rentrer, il avait encore été désigné, avec d'autres, une vingtaine en tout, pour rester avec le seigneur qui avait décidé de découvrir ce que l'on ressent lorsque le Marcheur est parti. Le seigneur avait fait affréter un autre bateau pour leur retour, une semaine plus tard et on avait transporté tout ce qu'on ne garderait pas au port tandis que le fils montait à bord.

Le capitaine du Liberté-Sarah n'avait pas été ravi d'apprendre qu'il ne repartirait pas à plein mais comme il avait été payé pour un transport qu'il n'aurait pas à faire et qu'en plus il avait reçu la prime qu'il avait demandée pour ce changement, il ne le montra pas. Il regardait les gars amener à bord les affaires du seigneur lorsqu'il entendit un « Kaïku! Kaïku ! Ou es-tu ? Kaïku ! Kaïku ! » sortir de derrière un tas de caisses empilées avec une voix qu'il lui semblait reconnaître.

Il fit le tour de la pile et vit qu'il ne s'était pas trompé: il s'agissait bien de la jeune fille qui faisait partie du groupe qu'il avait transporté au début des cérémonies. Elle était accroupie et cherchait à voir ce qui pouvait se trouver entre deux caisses. Elle appela encore « Kaïku! Kaïku ! »

Le capitaine se racla la gorge. La jeune fille se redressa. « Oh capitaine ! C'est vous ! Je suis contente de vous voir.»
« Hum, oui. Moi aussi. Mais que faisiez-vous au juste ? Vous cherchiez Kaïku ? »Son regard balaya les alentours pour exprimer ce qu'il n'osait dire.
La jeune fille comprit et éclata de rire. « Mais non ! Oh quel moqueur vous faites, capitaine ! Kaïku, c'est le nom que j'ai donné à mon lémure lorsque nous sommes arrivés. Pas qu'il y ait beaucoup répondu, remarquez. Mais là, il est parti et impossible de le retrouver. Alors je le cherche. »
« Les lémures sont connus pour ça, vous savez. Ils vont et viennent, s'attachent à vous un moment, parfois plus longtemps mais jamais ils ne quittent leur île. Ne cherchez plus. Le lémure devait savoir que vous alliez rentrer chez vous. Il est reparti de son côté. »
« Ah mais non, ce n'est pas ça. Nous, on n'a pas encore trouvé comment rentrer justement. Drovas avait proposé de payer un transport mais Fel pense que ça serait mal de profiter encore de lui. Du coup, on est encore là pour un moment. Vous voyez bien que vous vous trompez. »
La jeune fille vit alors ce que peu avaient pu voir : le capitaine sourit.
« Il se trouve que j'ai une vingtaine de places disponibles sur mon navire. Allez chercher vos amis et revenez vite. Nous prenons la mer dans peu de temps.
Le capitaine s'empourpra lorsque la jeune fille le prit dans ses bras, ce que les marins qui finissaient de charger se forcèrent à ignorer. Il regarda la jeune fille s'éloigner en criant « Kaïku ! C'est Kaïku ! » mais il n'aurait su dire si elle parlait de l'île ou du lémure, pas qu'il y ait une grande différence.
 
Le capitaine devait informer le fils du seigneur de sa décision et fut surpris de le voir accepter immédiatement, lui qui avait si mauvaise réputation. Il fut définitivement convaincu du mal fondé de cette réputation lorsqu'en mer, ce seigneur permit à son personnel d'aller se joindre aux danses que la jeune fille faisait chaque jour, même une fois partis de l'île.

Raniou revenait du port lorsqu'un petit lémure vint se poser sur son épaule. L'animal se frotta contre sa joue et ne voulut pas partir lorsque Raniou tenta de l'en déloger. Raniou n'insista pas et rentra avec son nouveau compagnon sur l'épaule. Il serait toujours temps de l'enlever, une fois là-bas.

De lui-même, le lémure se faufila sous les habits de Raniou. À croire qu'il savait quand il fallait se montrer discret. Raniou sourit et fit le tour des cordes pour s'assurer que rien n'avait souffert du déménagement.

Il y eut ensuite l'attente de tous les instants. Le seigneur sirotant et grignotant tout le jour et nous le servant. Soudain un grand vide et chacun de se sentir mal : le Spaugre. Le seigneur qui un instant plus tôt riait, était silencieux. Tout était silencieux. Il n'y avait plus aucune vie. Le seigneur ordonna que l'on remballe tout immédiatement. Il trouverait bien un autre navire prêt à se faire payer pour les embarquer. C'était une erreur car il n'en trouva aucun et personne n'avait plus la force de tout remonter pour tout démonter. Le seigneur n'avait de toutes façons plus l'envie de leur faire faire.

D'habitude le Spaugre prenait bien plus longtemps à agir, des jours, des semaines, mais parfois de telles réactions extrêmes pouvaient arriver. Ils furent guidés jusqu'à l'église du Marcheur, leurs affaires entassées sur le quai.

Lorsqu'ils furent installés dans un des locaux de l'église prévus pour les célébrants, Raniou croisa le regard d'un des moines qui haussa les sourcils. Raniou acquiesça : non, le Spaugre ne l'avait pas rendu malade comme les autres, au contraire. Il se sentait bien, en paix comme jamais il ne l'avait été. Mais il était au service de ce seigneur et ne pouvait rester sans risquer de représailles. Le moine haussa les épaules et lui tendit une robe. Raniou comprit. Personne ne viendrait le chercher pendant le Spaugre et personne n'oserait venir le chercher pendant les cérémonies du Marcheur. Tant qu'il restait sur Kaïku, il était libre. Raniou passa la robe et s'occupa des autres. Ils ne remarquèrent pas son absence ni ne le reconnurent lorsqu'il les amena au bateau.
 
De retour à l'église, il vit un homme qui regardait la bâtisse. L'homme s'avança vers Raniou « frère, pourquoi laissez vous votre église dans cet état. Il faut la réparer ! Si c'est de fonds que vous manquez, je peux participer. »

« Je ne suis pas frère » dit Raniou en enlevant sa robe « mais je suis charpentier et je crois pouvoir vous aider. »

L'arrivée Le contact Le passage La chair  

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