Bienvenue dans mon vrac.

Vous y trouverez des textes variés : Grandeur Nature, atelier d'écriture, poèmes ou autres : aventures et histoires.

En vous souhaitant de prendre autant de plaisir à les lire que j'en ai eu à les écrire.

Le passage

« Plus que quelques jours avant d'embarquer. » se disait Jideas en prenant son poste au comptoir. « Plus que quelques jours et au revoir Kaïku et son ennui annuel. Plus que quelques jours et bonjour le monde ! À moi l'aventure ! »
 
 
Jideas était né sur Kaïku. Des célébrations, il en avait vécu autant que d'anniversaires. De son point de vue, les quelques jours de plénitude qu'apportaient le Marcheur ne compensaient pas tous ces jours sans. Un cadeau une fois l'an, aussi beau fut-il, n'équilibrait pas l'absence. Si au moins ce cadeau lui avait permis de partir... Mais non. Jamais il ne lui avait été possible de s'en aller. Mais cette année, cela serait différent. Il n'était plus le fils de bûcheron. Il n'était plus le nettoyeur de chambres. Il n'était plus le porteur de sacs de célébrants. Il n'était plus le coursier. Il n'était plus l'assistant d'intendant. Il était le préposé 27 du comptoir b – 6. Pas un poste d'importance mais, avec ce qu'il gagnerait, il aurait enfin de quoi se payer un passage.

Il faut dire que pour compenser une trop grande générosité due à la présence du Marcheur, on avait ajouté une prime au salaire des préposés, basée sur les montants perçus. De nombreux préposés étaient d'ailleurs des extérieurs venus profiter de la fin de la célébration, quand les comptoirs étaient fermés ; et se rembourser les frais voire davantage. Ainsi, on évitait que trop d'arrivants ne se voient tamponnés, ce qui était normalement réservé aux nomades qui ne payaient ni n'acceptaient de papier.

Jideas eut d'abord un groupe de nains, qui bien sûr l'obligèrent à faire le tour à cause de « ces comptoirs méprisants construits trop hauts exprès pour railler notre peuple. » Il eut ensuite un vieux couple qu'il aurait trouvé charmant s'ils avaient eu les mains moins baladeuses tandis qu'ils cherchaient de quoi payer l'entrée. Dans le même ordre d'idée, dans le groupe suivant, on décrivait par le détail avec force ricanements, les folles chevauchées que l'on organiserait dès que possible.

Vint ensuite l'homme. De grands tissus sur le corps, un autre tissu enroulé sur la tête.
« Bonjour, célébrant. Vous représentez un groupe ? »
« Non, je suis seul. »
« Vous restez jusqu'à la fin des célébrations ? »
« Je ne sais pas encore. Mais pourquoi toutes ces questions ? »
« Eh bien pour fixer le montant à acquitter, bien sûr. Enfin sauf si vous êtes un nomade. Vous êtes un nomade ? »
« Non, je ne suis pas un Nom'had je suis un Ich'bet. »
« Vous voyez bien ! Tenez voilà ce que vous nous devez.»
« Vous voulez dire que vous laissez passer les Nom'had pour rien mais que les Ich'bet doivent payer ? Vous tenez vraiment à insulter le clan Ich'bet pendant le Marcheur ?» L'homme avait mis la main à son arme.

Jideas prit peur. Il appela son superviseur. Ce dernier se confondit en excuses auprès de l'homme et lui expliqua qu'il n'y avait eu qu'une confusion entre nomade, le nom que l'on donne ici à tous les membres des clans qui traversent Drakerys sans jamais s'installer et nom'had, le nom d'un de ces clans. L'homme retira la main de son arme et attendit. Le superviseur lui fit son tampon et l'homme partit. Le superviseur informa froidement Jideas qu'il serait remplacé rapidement et emporta les bons d'entrée. Fini les voyages.

Comme il attendait son remplaçant, un jeune homme vint le voir et lui débita son histoire sans qu'il puisse l'interrompre. Ils étaient venus célébrer le Marcheur, tout un groupe mais on leur avait tout volé, tout, même leurs tenues, tout. Ils n'avaient plus de quoi entrer mais plus de quoi partir non plus et ils n'avaient nulle part ou rester. Jideas était navré pour eux, surtout pour la fille qui n’arrêtait pas de pleurer en répétant « mais c'est Kaïku pourtant ! Mais pourquoi ?», mais il n'avait plus de bons d'entrée. Il n'aurait rien pu faire. Il allait le leur dire lorsque le lémure qui se trouvait sur l'épaule de la jeune fille bondit sur le comptoir et attrapa le tampon des nomades qu'il posa devant Jideas avant de repartir sur l'épaule.

« Oh bien sûr ! » comprit Jideas. Ce n'était pas la première fois que le Marcheur lui parlait.
« Donc vous n'avez pas de lieu fixe ou dormir ? »
« Non. »
« Et vous ne savez pas quand vous repartirez donc. »
« Non. »
« Donc vous êtes des nomades. Tenez, je vais vous tamponner et vous pourrez entrer. Pour vos tenues, je pense qu'elles sont perdues mais il y a un fripier rue du taillage qui écoute le Marcheur. Allez le voir. Il vous aidera du mieux qu'il pourra. »

« Kaïku ! C'est Kaïku ! » Riait aux larmes la jeune fille, tandis que le groupe passait.

Lorsqu'on le remplaça, Jideas reçut les quelques pièces de sa matinée. Il alla à une taverne proche pour les dépenser dignement.
 
Alors qu'il buvait, un oiseau de paradis vint rajouter un pichet. « Il n'est pas bon de trinquer seul à la fête. » Dit l'homme déguisé de plumes multicolores avec son masque à long bec. De godet en pichet, Jideas finit par lui raconter sa mésaventure du matin et ses espoirs évanouis mais aussi l'histoire du lémure.
 
« Viens ! Suis-moi ! » Dit l'oiseau et il l'entraîna à travers les rues. De mon avis ce sont ceux qui ne t'ont pas appris correctement ce qu'était un nomade qui sont dans leur tort. C'est eux qui payeront au Marcheur. Ils étaient arrivés à l'entrée lorsqu'il retira son masque : Jideas reconnut l'homme, le nomade. Il passa la queue en montrant sa marque et revint au même comptoir, Jidéas à sa suite. Le nouveau préposé le reconnut aussitôt mais le nomade parla « Je suis Faïd Ran, nomade du clan des Ich'bet et il est mon invité et mon ami. Vous devez le tamponner. »

Le superviseur revint, fort mécontent de prime abord mais il se contenta de dire « bien sûr. » au nomade lorsqu'il lui redit ce qu'il avait dit à Jideas plus tôt. Il tamponna Jideas.

« J'ai aussi eu tort de m'emporter. J'aurais dû comprendre. Alors je vais payer aussi : Lorsque la célébration sera terminée, retrouvons-nous là où nous avons trinqué. Il y aura une place sur le bateau pour un ami des Ich'bet. N'oublies pas tes bagages. » Il remit son masque et s'en alla.

L'arrivée Le contact Le passage La chair 

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