Bienvenue dans mon vrac.

Vous y trouverez des textes variés : Grandeur Nature, atelier d'écriture, poèmes ou autres : aventures et histoires.

En vous souhaitant de prendre autant de plaisir à les lire que j'en ai eu à les écrire.

Détail

Vers la fin du mois … dernier, un jeune homme entra dans le Palais-Royal …

Il salua Lujan, l’intendant qui se tenait en haut des marches et attendit son invitation pour les grimper.

Lorsque l’intendant lui fit le signe attendu, il manqua de trébucher, profondément ému d’être parmi les rares élus à avoir eu le droit de fouler le sol du palais. Se ressaisissant, il fit mine de réarranger les documents qui lui couvraient les bras et commença à gravir les cent-quarante-quatre marches qui composaient l’escalier d’entrée du palais-royal.

Toutes les douze marches, sur un palier de près de trois mètres, des gardes en armure laquées de blanc barraient l’accès de leurs lances.

Le jeune homme saluait à chaque fois et alors les gardes s’écartaient, le laissant continuer sa progression.

Lorsqu’enfin, il fut en haut, l’intendant le salua une nouvelle fois et sans attendre, lui passa la main dans le dos et le poussa lentement mais fermement vers l’intérieur du palais. Partagé entre adoration et peur, le jeune homme se laissa pousser vers le dedans.



Les événements s’étaient enchaînés, les uns après les autres pour que cette improbable situation - un semi-elfe invité à rencontrer Ichindar, l’empereur de Shinseiko – se produise.

Le jeune homme avait d’abord quitté la bibliothèque de Pagolos pour rejoindre le service d’un papetier où il avait appris l’art du papyrus et du vélin. Il y avait rencontré un maître ritualiste qui, ayant sympathisé, lui proposa de le seconder dans la rédaction de ses ouvrages dédiés aux arts ritualistes. Il avait accueilli ce visiteur venu de shinseiko rencontrer le maître ritualiste car le vieil homme, malade, ne pouvait assurer ses devoirs d’hôte. Il avait donc, en toute logique, été désigné par son maître pour aller à la rencontre de l’empereur, lui montrer ce que le maître ritualiste pourrait faire pour l’empereur si ce dernier l’acceptait.

Quant à la demande de l’empereur, elle faisait suite à une tentative d’assassinat qui n’avait échouée que par la stupidité de l’assassin. L’empereur se tenait sur son trône, écoutant un exposé de situation stratégique de l’un de ses généraux lorsque du coin de l’œil, il vit une zone d’ombre d’un des coins de la salle s’épaissir jusqu’à faire apparaître un assassin vêtu de noir qui s’apprêtait à bondir. L’empereur ne lui laissa pas le temps d’agir et dans une envolée, dégaina et trancha la tête de l’assassin avant que le général n’ait fait un mouvement. Cela n’avait en soi pas eu de conséquence mais l’empereur ne pouvait prendre le risque qu’un autre de ces assassins ne se matérialise de la même manière et ne s’en prenne à son épouse, ses concubines ou ses enfants. Il avait donc fait mandé un maître ritualiste pour protéger convenablement sa maisonnée.

Après les salutations d’usage, le jeune homme avait exposé, documents à l’appui, ce que le maître ritualiste avait proposé : faire en sorte que plus aucun endroit du palais ne puisse recéler suffisamment d’ombre pour qu’un assassin Tong ne puisse s’y matérialiser. Le rituel était d’ampleur et l’empereur le comprit bien. Mais il y en eut parmi ses concubines pour souhaiter que certaines des pièces se voient emplies non de lumière vive claire et blanche mais de lumière colorée, tamisée. Le jeune homme prit en considération ses demandes sans manifester le moindre déplaisir, ce que, là encore, l’empereur comprit bien, et indiqua quelle serait la suite des événements lorsque sa seigneurie aurait donné son accord.

D’un hochement de tête, l’empereur acquiesça.

Le maître ritualiste voyageant lentement, de par son grand âge, c’est le jeune homme qui s’occupa des premiers préparatifs du rituel : D’abord faire vider, nettoyer et préparer la salle la plus basse du palais en vue de la création d’un cercle de rituel. Dans le même temps solliciter et obtenir l’aide d’autres ritualistes, tous dévoués à l’empereur. Comme il en faudrait plus d’une vingtaine, le jeune homme passa plusieurs semaines à parcourir la région accompagné de deux gardes de l’empereur. Avec l'aide de ces ritualistes, il créa alors dans cette pièce un cercle de rituel, respectant à la lettre chacune des indications que le maître ritualiste lui avait fourni. Près de deux mois supplémentaires s’étaient écoulés lorsqu’enfin le maître arriva. Il serra la main de chacun de ceux qui avaient accepté d’apporter leur concours, les remerciant chaleureusement pour leur générosité. Chacun répondit que c’était un honneur de faire ce sacrifice pour l’empereur et remercièrent tout aussi fortement le maître de leur avoir permis d’apporter leur concours.

Tous les ritualistes se préparèrent alors à une nuit de jeun et une journée de prière. Dans le même temps, le jeune homme prépara chacun des ingrédients et accessoires que le maître lui avait demandé. Il vérifia tout deux fois et nettoya lui-même chacun des objets.

Au soir de cette journée, les ritualistes formèrent file à l’entrée du palais, le maître en tête. Derrière, des dizaines d’hommes, peut-être deux cents, presque tous vêtus de blanc, vinrent lentement se ranger en silence. Le maître leva les bras et ils commencèrent à entonner la formule rituelle que le jeune homme leur avait fait apprendre auparavant.

Le maître ritualiste gravit la première marche et le jeune homme lui tendit deux petites pierres précieuses. Le maître en posa une à sa gauche et une à sa droite après avoir parlé à chacune d’entre-elles. Le maître gravit la seconde marche et de nouveau le jeune homme lui tendit deux petites pierres précieuses. Le maître en posa une à sa gauche et une à sa droite après avoir parlé à chacune d’entre-elles. Et encore pour la troisième marche. Et la quatrième. Et jusqu’en haut de l’escalier. A chaque palier, deux des hommes en blanc s’écartaient de la file, s’agenouillaient sans arrêter de réciter les formules apprises.

Le maître passa la porte et le jeune homme lui tendit deux autres pierres précieuses. Le maître en plaça une de chaque côté du chambranle après une autre série de mots prononcés. Un homme en blanc vint s’agenouiller au centre de la pièce, toujours récitant.

Ils passèrent de pièce en pièce, s’arrêtant à chaque porte, y plaçant des pierres précieuses après leur avoir dit quelques mots. Dans chaque pièce, un homme s’agenouillait. Et toujours les ritualistes continuaient leur litanie, posant chacun le pied là où la personne qui le précédait venait d’enlever le sien.

Dans chaque pièce de chaque étage du palais, ils passèrent, répétant les mots, les gestes, sans jamais s’arrêter. Dans chaque pièce de chaque étage, un homme en blanc s’agenouilla. Sauf dans les pièces où il avait été demandé qu’une autre couleur brille. C’était alors un homme vêtu de la couleur correspondante, orange, rose, vert ou jaune, qui s’agenouillait. Jusqu’à ce que, tout ayant été visité, il n’y ait plus un seul homme en blanc suivant les ritualistes. Ils prirent le chemin de la pièce où se trouvait le cercle de rituel.

Il s’agissait d’un moment important et le jeune homme le sachant bien avait prévu un autre accès par lequel il pourrait se dépêcher, arriver avant le groupe et leur donner ce dont ils auraient besoin pour le rituel.

Ainsi, lorsqu’enfin le maître ritualiste arriva devant le cercle de rituel, suivi des autres ritualistes qui toujours psalmodiaient, le jeune homme avait allumé chacune des trente-six bougies posées autour du cercle et il put tendre le panier de brandons qu’il avait préparé et un bandeau de tissu noir à son maître.

Le maître entra dans le cercle, le bandeau sur les yeux et s’avança jusqu’au centre, le panier de brandons à la main. Chacun des autres ritualistes reçut à son tour un bandeau qu’il plaça sur ses yeux, une fois qu’il eut pris sa place sur le bord du cercle.

- Dans le noir je suis, faible face à mon ennemi. Je ne peux discerner sa sombre venue. Flamme de savoir inonde mon regard et permet que recule celui qui est caché.

Le maître ritualiste enflamma alors son bandeau avec le panier de brandon, subissant la brûlure sur son visage, y perdant des cheveux.

Chaque ritualiste répéta la formule à son tour, du début au début du cercle et tous en même temps créèrent un projectile magique enflammé qu’ils se projetèrent l’un l’autre, enflammant les bandeaux, se brûlant les visages.

J’allumais alors les trente-six cônes d’encens disposés tout autour du cercle, espérant silencieusement que leur qualité serait à la hauteur de celle demandée par mon maître.

Leurs fumées apparurent. Le maître leva les mains et dans un mouvement tournoyant déclencha d’un mot un courant d’air tournoyant qui fit s’élever les fumées des encens en spirale. Et tandis que le maître disait : « Oh fumée traîtresse, toi qui dissimule le malveillant, permet au regard pur de discerner l’ombre sur le mur ! » je voyais le vent faire se plier, se réduire jusqu’à s’éteindre les flammes des bougies. Mais je ne pouvais intervenir sans toucher le cercle et rompre ainsi le rituel. Alors que le courant d’air prenait de l’ampleur, chacun des ritualistes s’avança vers le centre et mit un genou en terre. Le maître sortit de sa ceinture une dague qu’il planta dans sa main. La paume vers le bas, saignant sur le sol, il fit un tour du cercle, offrant son énergie de vie. Il sortit alors la dague de sa main et la tendit au ritualiste qui se trouvait le plus près de lui. Celui-ci prit la dague et avec une phrase que je n’entendis pas, se trancha l’auriculaire, qui roula sur le sol, avant de passer la dague à son voisin qui en fit autant. Chacun des doigts lorsqu’il touchait le sol disparaissait et un cercle d’énergie se propageait du centre vers les bords du cercle. Le vent se faisait plus fort et je voyais la flamme des bougies se réduire jusqu’à s’éteindre. Mais je n’étais le seul à avoir vu le danger. L’un des ritualistes se releva soudain « par le don de la vie, je verse mes larmes de sang pour nourrir les flammes de la lumière de ce cercle. Qu’elles soient fortes et nourries jusqu’au dernier instant. » Et tandis qu’il s’écroulait, des rayons d’énergie sortirent de son corps et vinrent percuter chacune des bougies qui se ravivèrent sous l’impact.

Le maître leva alors les bras et invoquant les puissances du soleil et du reflet des eaux, incanta longuement, faisant naître au-dessus de son visage brûlé une vive lumière qui gonfla, s’amplifia et qu’il envoya vers le plafond. A cet instant, toutes les bougies furent soufflées mais du dessus de la porte une lumière se fit qui éclaira toute la pièce, ne créant que de trop faibles zones d’ombre pour qu’un assassin puisse y apparaître.

Bien que n’ayant rien fait, j’étais épuisé. Les ritualistes eurent encore quelques phrases de remerciement et d’adieu. Ils refermèrent le cercle et en sortirent. Je les aidais alors à transporter le corps de celui qui avait donné sa vie pour sauver le rituel. A chaque porte par laquelle nous passions, les pierres précieuses avaient été absorbées par le bâtiment et chacune d’entre elles diffusait maintenant de la lumière. Le ritualiste fut enterré dignement, en présence de l’empereur. Ce dernier lorsque le maître se présenta devant lui, se leva de son trône et salua longuement. Chacun saurait dans shinseiko en quelle estime le tenait l’empereur. Chacun le considérerait comme un maître ritualiste de renom.

Je me tenais au pied des marches maintenant illuminées de ce qui était devenu le palais de lumière de shinseiko et je ressentais une profonde fierté à l’idée que moi Baern Myslir ai eu l’honneur d’aider à une si magnifique réalisation. Je me promis de ne pas oublier de revenir cent ans plus tard rappeler au nouvel empereur qu’il faudrait recommencer un rituel s’il voulait que les pierres précieuses maintenant incrustées dans le palais continuent de luire.




Le maître s’avança vers moi : « Voilà Baern, nous avons réussi à apporter la lumière dans le palais de l’empereur. »

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