Bienvenue dans mon vrac.

Vous y trouverez des textes variés : Grandeur Nature, atelier d'écriture, poèmes ou autres : aventures et histoires.

En vous souhaitant de prendre autant de plaisir à les lire que j'en ai eu à les écrire.

Marteau

Dans l'obscure intimité du creux de la chaussure est inscrite la fatigue des pas du labeur.

Lorsque la main tendue vient m’agiter l’épaule, que la barbe remue, chuchotant « il est l’heure. », j’abandonne mes rêves de forêt et de fleurs et je reviens au monde de la pierre souterraine.

Je bascule mes jambes au dehors du grabat, passe rapidement mes habits de travail et tandis que le froid s’insinue dans mon dos, je remets ces chaussures de cuir et d’acier.

Ne savoir que c’est l’aube que parce qu’on vous l’a dit. Ici, presque partout, le soleil est caché. Il n’y a que des torches pour éclairer l’endroit et quelques lampes à huile dans les salles d’apparat.

C’est la vie sous la pierre des creuseurs de montagne, que je partage depuis, déjà, de nombreux mois, quand je reçus l’invitation de leur haut-roi à venir fabriquer un nouvel instrument.

L’ancien s’était perdu au royaume trigan, fracassé dans ma fuite lors des événements qui agitèrent ces terres quelques années plus tôt. J’ai bondi sur cette offre d’en avoir un nouveau.

D’autant plus que déjà, depuis quelques semaines, je sentais sur ma nuque un regard inconnu. Mon esprit m’envoyait des messages d’alerte. Je me savais suivi mais ne savais par qui.

J’avais donc accepté l’invitation royale de venir pour chanter et déclamer des vers tandis que l’on me ferait un bel instrument et je serais protégé dans le même temps.

Mais rester sans rien faire quand tous sont à l’ouvrage ne pouvait pour longtemps m’apporter du plaisir. Alors je proposais au maître de céans de partager mes heures consacrées à l’écrit.

Avec ceux de ses nains qui exploraient les fonds, j’irais chaque matin mettre mon coup de pioche et apporter un peu de ma transpiration à la boue qui séchant fait le sol des tunnels.

Partager les efforts de votre hôte à ce don de vous faire découvrir des facettes de lui que jamais vous n’auriez, à l’abord, deviné. C’est ainsi que se créent les grandes amitiés.

Des jours et des semaines, des mois et des années, j’ai creusé la montagne en quête du métal. Et tandis qu’avec eux, je creusais. j’excavais, ma crainte de l’intrus, ce danger inconnu.

Jusqu’à ce que, un jour, perdu au fond du trou, je m’endorme soudain, pris d’un coup de fatigue ou d’un coup de ce gaz qui parfois erre sous terre. Et me réveille en peur, perdu seul dans le noir.

Je le sentais présent, attentif, à l’affût, celui qui me traquait depuis de nombreux mois. Je ne savais comment il avait pu entrer mais je le savais prêt à me bondir dessus.

Dans le noir, c’est l’oreille qui vous guide la main. Qui fait pointer la dague vers ce que l’on espère être le cœur battant de l’ennemi tapi. Tous les soldats devraient apprendre un instrument.

J’entendais le caillou rouler sous la chaussure, le vêtement froissé par un pas de côté, le bras venu frotter contre le bord du mur et soudain l’avancée de la pointe de l’épée.

Dans le silence, un cri vient déchirer le noir. Une douleur aiguë me transperce la tempe et un liquide chaud se répand dans mon cou. Je réalise soudain qu’il est de moi ce cri.
 
Autoportrait à l'oreille bandée par Vincent van Gogh
 Je tente de toucher l’invisible assaillant, battant l’air de ma dague, espérant en la chance. Mais je ne touche rien que le vide et le noir comme s’il n’y avait rien ni personne caché.

Et le liquide chaud se répand sur mon torse. Je le sens qui m’englue, me force à ralentir. Si je ne trouve pas un chemin de sortie, je sais qu’il me fera m’allonger pour toujours.

J’avance dans le noir, écoutant comme je peux au-delà de mon souffle et de mon pas traînant. Mais il semblerait bien qu’il n’y ait plus que moi perdu dans ce tunnel de dessous la montagne.

C’est alors que le noir reflue sous les assauts d’une torche portée par un bras musculeux. Et lorsque mon regard vient rencontrer le sien, je sais que ma blessure n’est pas insignifiante.

Je m’accroche à son bras pour ne pas m’écrouler. Je dois tenir encore, ne pas abandonner. Comprenant ma pensée, Il soutient sans porter, m’aidant à avancer par mes propres moyens.

Nous remontâmes ainsi jusqu’aux salles de vie où il me conduisit jusqu’à l’infirmerie. Le champion de mon hôte, c’était lui mon sauveur, appela à mon aide le service d’un soigneur.

Le haut roi, informé, vint aussi pour me voir, exprimant son regret de n’avoir su prévoir que l’on m’attaquerait au détour d’un couloir et que pour la vengeance, il me faudrait surseoir.

Car ils n’avaient trouvé de trace décisive permettant de traquer l’auteur de l’offensive. Ils n’avaient retrouvé que ma dague sanglante et l’oreille tranchée, une scène troublante.

Quelques semaines plus tard, le haut roi en personne, me remit l’instrument, pour lequel, je soupçonne qu’il avait donné ordre de finir prestement pour se faire pardonner d’avoir causé tourment.

Et quand le soir venu, je nettoie l’instrument, je repense toujours à cette heure, ce moment. A ce noir ennemi d’une telle fausseté, que l’on puisse douter qu’il ait bien existé.

Ma main prend le chiffon y verse le produit et frotte l’instrument, y étalant l’enduit.

Et frotte l’instrument pour le faire pénétrer. Et frotte l’instrument pour le rendre lustré.
 
 À travers ce produit repasse la muette inquiétude pour la sûreté du pain, la joie silencieuse de survivre à nouveau au besoin, l'angoisse de la naissance imminente, le frémissement sous la mort qui menace.

Le rabrochet Caillou Le corail Détail Flamme Lettre à Georges Insolence Marteau Réveil Volte face Ahmad

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