Bienvenue dans mon vrac.

Vous y trouverez des textes variés : Grandeur Nature, atelier d'écriture, poèmes ou autres : aventures et histoires.

En vous souhaitant de prendre autant de plaisir à les lire que j'en ai eu à les écrire.

Le corail

II est un pays superbe, un pays de Cocagne, dit-on, que je rêve de visiter avec une vieille amie.

Je m’imagine avec mon sac en bandoulière,
rempli de nourriture et de colifichets,
longeant le mur d’enceinte recouvert par le lierre,
surplombé de créneaux où veillent des archers.

Je me vois, saluant la garde de la ville
et leur verser le droit de poursuivre mes pas.
Leurs mots et leurs façons, je les trouve bien vils.
Mais je paye en silence. Je ne leur dirai pas.


Je préfère oublier la commune rapine
des gardiens de l’entrée qui, à mes yeux, tapinent
et traverser les places du marché, des affaires,
où voleurs et marchands aiguisent savoir-faire.

Je passe les artères qui mènent à ton quartier,
saluant, au passage, des dames endimanchées
qui donnent aux mendiants, pour montrer leur pitié
mais détournent la tête de leurs jambes arrachées.

Quelques marches à grimper pour arriver au seuil
attraper le battant et cogner sur ta porte.
Tu es là, devant moi, toujours vêtue de deuil,
je te prends par la main, te soulève et t’emporte.
 
Évitant les artères, je choisis les ruelles,
te portant dans mes bras, un plaisir mutuel,
pour rejoindre l’impasse qui mène à la poterne
surplombant la rivière. J’allume une lanterne.

Dans le noir de la nuit, je te guide par la main
le long de cet étroit et escarpé layon,
par les chèvres, tracé, oublié des humains,
dont les arbres, la lune, viennent masquer les rayons.

Arrivés tout en bas, nous rejoignons la barque
que j’avais empruntée à un ami larron.
Tandis que je maintiens le bateau, tu embarques.
Je m’installe à mon tour et prends les avirons.

Deux ou trois coups de rames nous amènent au courant.
Le bateau accélère sans effort apparent.
Portés par le perdant, nous passons le delta
pour rejoindre les quais et ses navires en tas.

Nous voilà accostant auprès d’un des bateaux.
Je siffle doucement. Apparaît la vigie.
En me lançant sa corde, il me dit qu’il est tôt.
Apercevant la dame, alors il s’assagit.

Il nous aide à monter sur le pont du navire,
invite à nous asseoir, dit qu’il va revenir.
Assis à tes côtés, j’ai le cœur qui chavire.
Je formule en silence un vœu pour l’avenir.

Le capitaine arrive, sombre au premier abord.
Il nous demande pourquoi nous sommes à son bord.
Je lui récite alors la formule de sa voile.
Mon savoir du secret, devant lui je dévoile.

Dans ma bourse je prend une pièce d’argent,
synonyme de commerce, de vendeur et client.
Je la jette à la mer pour honorer ces gens
par mon refus d’avoir un contrat nous liant.

J’ouvre alors grand mon sac, déposant sur le pont
d’abord la nourriture, puis les colifichets.
Mon amie, à côté, vient poser un jupon.
Le capitaine alors fait mine de se fâcher.

Je ne suis pas son fils, son frère ou son neveu.
Accepter mes présents, il ne peut ni ne veut.
Nous n’avons pas franchi la barrière de corail.
Je lui présente alors mon anneau de corail.

Aussitôt il sourit. Son ton se radoucit.
Il me tape l’épaule, embrasse mon amie.
Le gîte et le couvert ne font pas de soucis
pour un cousin des terres et sa si belle amie.

Puis d’un mot, il ordonne de larguer les amarres,
nous invite à entrer dans le cœur du bateau
partager en famille coquillages et homards,
poisson cru, oiseau cuit, pains briochés, gâteaux.

Les tables sont dizaines dans la salle à manger
où sont assis mêlés enfants et plus âgés.
Nos assiettes sont pleines avant même d’être assis.
Douze jours, douze nuits à profiter ainsi

du calme et du silence sur le pont supérieur,
du chahut des enfants jouant dans les couloirs,
de la cabine offerte par un marin rieur,
où je suis le servant de ton moindre vouloir.

Puis ce jour sur le pont, tous les deux enlacés,
où nous voyons au loin cet ensemble flottant.
Dérivant au courant, des bateaux entassés.
Oriflammes et bannières, sur les mâts s’agitant.

Ce pays de cocagne où nous sommes accostés,
il n’y a pas de carte ayant pu le noter.
C’est l’endroit où les voiles font leur rassemblement
et nouent des liens de sang de gréement à gréement.

Tandis que tous à bord se préparent à sortir,
Nous restons enlacés à contempler l’atoll.
Deux femmes qui surgissent et t’emmènent te vêtir.
La capitaine arrive, portant au cou l’étole.

Il me prend par le bras, nous quittons le bateau,
en traversons vingt trois, jusqu’à la nef manoir,
partageant chaque fois deux goulées, un gâteau.
Je titube sur la fin. Ils vont me mettre noir.

Et ils rient de me voir chanceler sur le pont
Incapable, comme eux, de lancer un harpon
Comment ai-je pu faire une aussi belle prise ?
Était-ce un coup de chance, où même une méprise ?

Je leur dis que sur terre, il est d’autres façons
d’attraper les sirènes au filet du désir.
Qu’elle a mordu aux vers d’une douce chanson,
accrochée par le cœur, là, j’ai pu la saisir.

Ils rient encore plus fort, me tapent dans le dos,
Convenant, qu’en effet, à chacun ses manières.
Mais que je dois, pour ne pas finir en radeau
Respecter les usages liés à leurs bannières.

Me voilà dévêtu puis jeté à la mer.
En guise de remontant, un vin doux et amer.
Je passe la tenue d’un simple matelot.
Mains trempées dans le sel, mains nettoyées dans l’eau.

Je suis alors mené à travers les couloirs,
sombres jusqu’à l’obscur de cette nef manoir.
Tentacules en chemin pour tester mon vouloir
d’illuminer, par toi, ce voyage dans le noir.

Voici la salle de bal aux murs faits de corail,
au centre de laquelle, immobile, tu m’attends
revêtue d’une robe de perles et de corail
prisonnière d’un roc, vers moi, tes bras tu tends.

Je fais un pas vers toi mais une vague humaine
me retient d’avancer, me repousse, me malmène.
Tandis que, de mes bras, pour passer, je ferraille,
Une autre vague humaine arrache ton corail.

Les morceaux de ta robe, arrachés, sont jetés
Et la vague revient pour en arracher d’autres.
Je me jette en avant, poussant de tous côtés
et hurlant : « océan ! Elle ne sera point votre. »

La marée redescend. J’arrive enfin à toi.
Je te prends dans mes bras, tu agrippes mon cou.
Des pétales de fleurs tombent en neige du toit.
Cris de fête et musique résonnent tout à coup.

C’est un rêve éveillé que je fais très souvent.
Quand des bateaux à quai, prêts à prendre le vent,
des trésors plein les cales, s’en vont vers le lointain
Échanger pour de l’or, du vermeil, de l’étain.
 
 

et quand, fatigués par la houle et gorgés des produits de l’orient, ils rentrent au port natal, ce sont encore mes pensées enrichies qui reviennent de l’infini vers toi.

Le rabrochet Caillou Le corail Détail Flamme Lettre à Georges Insolence Marteau Réveil Volte face Ahmad

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